J'ai osé ce que je n'aurai pas osé en France!
Benoît

J'ai osé ce que je n'aurai pas osé en France!

Benoît, étudiant d'échange en Allemagne

En 2012, Benoît partait en immersion pendant un an chez nos voisins allemands.
YFU France:

Qu'est ce qui t'a motivé à partir en Allemagne avec YFU ?

Benoît:

Connaitre plus que ce que l’Éducation nationale essaye de nous apprendre, c’est-à-dire plus que le passé de guerres.
Me prouver que l'allemand n'était pas aussi insurmontable que ce que je pensais, d'après ce que je vivais en cours : j'étais l'élève le plus mauvais, pendant trop longtemps. YFU m'a prouvé en effet que je pouvais tout réapprendre en allant en Allemagne. YFU m'a fait confiance, je ne pouvais pas la décevoir. J'avais également une certitude au plus profond de moi : en décidant de partir loin, longtemps, j'allais me redécouvrir, réussir là où je n'avais pas réussi en France, apprendre à me surmonter, à me dépasser, j'allais créer un autre monde, un autre moi, mon moi allemand. J'allais donc, recommencer à zéro. En un an en Allemagne, je pense avoir été plus heureux, qu'en seize ans de vie française.

Petite virée "Free-Hugs" avec deux potes dans les rues, avant mon départ pour la France...
YFU France:

Quelles ont été tes premières impressions une fois sur place ?

Benoît:

J'arrivais donc dans ce que j'allais appeler ma "famille" pendant un an..."Qu'est-ce que je fais là? Mais qu'ai-je fait?!" me suis-je dis en regardant autour de moi, dans ma "chambre", un peu perdu, après une arrivée très bousculée : ma famille d'accueil avait organisé des tas de choses, et tout s'était si vite enchaîné dès le premier jour, dès lors que je venais à peine..."d'atterrir" ?
Après un instant où tout se bousculait dans ma tête, après un bon moment de réflexion, je me suis dis : "Bon, Benoît, ça y est, tu y es, c'était ton choix, ta décision...tu en as pour un an!" A cette date, j'étais loin de m’imaginer que j'allais vivre l'année la plus belle de ma vie...

YFU France:

Quant à l'école ?

Benoît:

J'étais dans une école chrétienne, la culture chrétienne protestante est très présente dans le nord de l'Allemagne. Les valeurs chrétiennes régissaient l'éducation (prière du matin en classe de 5 à 10 minutes par exemple).
Les cours étaient très riches : j'ai eu mes premiers cours d'Ethique et de Politique, ce que je n'avais jamais vu jusque-là ! J'avais du mal à imaginer que l'on puisse enseigner de telles disciplines dans le calme, la quiétude et le professionnalisme! En France, cela aurait été impossible, vu le caractère très polémique de la question politique et du caractère très émotionnel que l’on associe à l'engagement. Les cours étaient très intéressants et se passaient aussi posément qu'en cours de langue ou de géographie.
A ma demande, les professeurs ont eu avec moi, la même exigence de notation et d'investissement, qu'avec les autres élèves. Ils devaient juste savoir que j'apprenais leur langue maternelle en même temps que de suivre leurs cours.
Pour faciliter mon intégration, le professeur de français m'a encouragé à participer à son cours, pour aider mes camarades. Aujourd'hui, un programme d'échange entre mon ancien lycée et mon ancienne Gesammtschule est élaboré !
Les cours de musique furent très étranges pour moi, car il s'agissait de théorie musicale, de solfège, ce que je n'avais encore jamais appris jusque-là !
Une professeure de français, originaire de bordeaux, fut volontaire pour me donner des cours de soutien en allemand (une heure par semaine) connaissant mon défi, ayant elle-même traversé cette expérience d'immersion.
J'ai gagné en rigueur intellectuelle et argumentative, en discipline et en organisation, grâce à la rigueur linguistique naturelle de l'allemand; grâce à la mentalité et la perception allemande du monde.
A la fin de l'année, le directeur m'a invité sur scène (grande salle de rassemblement), devant tous les élèves et professeurs de l'établissement, pour mon adieu...non, pour mon AU REVOIR !

YFU France:

Quant à ta famille d'accueil ?

Benoît:

Famille d’accueil? J’en ai eu deux. Non pas que j’eu des problèmes avec ma première famille, non loin de là, mais j’ai été intégré à un programme de cours intensifs en allemand, à Stollberg (Saxe), pendant un mois. J’y ai tout réappris : de l’alphabet au subjonctif. Dans ce cours, il y avait des jeunes de pays (Norvège, Suède, Turquie, Roumanie, Estonie, Russie, Azerbaïdjan) et niveaux hétérogènes. Dans ce programme, deux jeunes étudiantes allemandes (une en histoire et l’autre en franco-allemand) nous apprirent l’allemand, sa culture, l’histoire de son pays, et les règles de YFU. Ma première famille fut géniale ! Elle était très dynamique et pour se faire, organisait tous les weekends des excursions, dont certaines furent organisées avec les autres parents des jeunes et avec les accompagnatrices. Cette première famille n’oublia pas mon anniversaire, le mai suivant, signe de leur fidèle amitié.
Malheureusement, j’ai dû vite quitter cette famille, avec beaucoup de difficultés, pour Ostfriesland (Basse-Saxe), où j’ai rencontré ceux, qui allaient être mes parents pour onze mois. Ils ont été très compréhensifs, toujours prêts à m’aider en allemand, ils veillaient sur mes problèmes de santé avec beaucoup de tendresse, ils étaient curieux de la France, de sa langue et de sa gastronomie. Ils m’ont intégré à leurs familles, comme l’un des leurs. J’ai eu l’idée de créer un livre des jeunes YFU, où chaque accueilli pourrait raconter ce qu’il aura vécu avec cette famille, y ajouter des délires, des souvenirs marquants, des photos…Ce sont eux, qui m’ont préparé mon anniversaire en secret, ainsi qu’une grande fête d’adieu, où environ une cinquantaine de personnes furent de la partie. Mon amour pour ces parents allemands était si fusionnel que je les appelais « Papa » et « Mama », et qu’ils m’appelaient « meinJunge ».

YFU France:

Quels sont tes meilleurs souvenirs ? Tes pires souvenirs ?

Benoît:

Un meilleur souvenir : A la fin de l’année, lorsqu’une cinquantaine de personnes (amis, professeurs et leurs familles, famille allemande élargie, famille-relai) avaient comploté en secret une fête pour mon « au revoir ». Ils m’attendaient tous avec un cadeau qui avait un lien significatif avec la relation singulière que je partageais avec chacun d’eux…Ma famille avait loué une salle, un terrain de volley…C’est à ce moment-là que je compris une chose, « la » chose la plus précieuse à mes yeux : j’avais accompli quelque chose, j’avais bâti ma vie allemande, j’avais réussi mon année ; une multitude de gens s’étaient unis autour d’une seule chose : l’intérêt pour un simple petit français avec qui ils voulaient partager leur vie et leur amitié, et s’ouvrir à la sienne.
Le pire souvenir : Mon Mittelseminar, où un lot d’accueillis, venant des pays latino-américains, avaient, à mon sens, gâché tout le travail des bénévoles de YFU-Allemagne en ayant constitué un petit noyau de langue hispanique, avec lequel nul ne pouvait vraiment communiquer ; et qui refusait de jouer le jeu du « you are in Germany, so you have to speak german ». Tout tournait autour de ce petit noyau, tous devaient s’adapter à ce petit noyau, car c’était lui qui menait le « jeu », et se positionnait en tant que« colonisateur », imposant sa culture, son humour, ses danses et sa musique…Mais tous les latino-américains ne le sont pas, non et heureusement : en France, entant que bénévole, j’ai rencontré un brésilien vraiment motivé par le français, ouvert et curieux de ce qu’il pouvait trouver chez nous, Emiliano, avec qui j’ai partagé de beaux moments.

YFU France:

Fort de ton expérience, quels conseils donnerais-tu aux futurs partants ?

Benoît:

Il n’y pas de recette magique, néanmoins je peux essayer de transmettre ces trois choses :
- Communique peu avec ta famille et tes amis français (une fois par mois, par mail et non Facebook !!!) ; tu ne les perdras pas, contrairement à ce que tu pourras le penser ! Et au pire, ton expérience t’apportera tant de maturité, que tu sauras vite faire la différence entre les vrais et les « faux » amis ; car tous évolueront, comme toi ; même sans toi, la terre continuera de tourner en France, et ça tu n’y pourras rien ! La famille, en étant loin, ne saurait que plus facilement s’inquiéter, si tu communiques trop avec elle, car elle saura plus exagérer « l’Etat de ta situation », puisqu’elle se sentira impuissante ! De plus, ça ne sera que néfaste pour ton apprentissage linguistique et ton intégration en terre d’accueil : ne jamais rester à cheval entre deux pays quand on décide de vivre une immersion !
- Si tu as du mal à apprendre la langue, si tu sens une période de stagnation de ton progrès, ne prends pas peur : mets alors la barre plus haute ! Lis de la littérature, écoute de la musique, regarde les traductions et apprends-les ! Regarde des films sous-titrés dans la langue d’accueil et note le vocabulaire ! Dessine au lieu de traduire, tant que tu le pourras, lis la presses, demande à faire des exposés en cours, achète des livres de grammaire, trie ton vocabulaire par champs lexicaux…il y a tant de choses possibles à faire dans de telles situations, tant de méthodes, tant de techniques… et celle que tu auras découvert par toi-même sera la meilleur !
- Ne reste pas passif, ose la confrontation, affirme-toi, découvre-toi, ose l’erreur, sois dynamique : organise des sorties, des rencontres pour apprendre à connaitre tes amis choisis ! Rentre dans des cercles d’activités sportives, artistiques et d’engagement associatif…Là-bas, tu apprendras le vocabulaire propre à ces contextes ! Crée-toi ton réseau ; vas-y, fonce : tu n’auras qu’un an, tu n’auras qu’une chance ! Ose ce que tu n’aurais pas osé en France ; fonce !

YFU France:

As-tu une anecdote à nous faire partager ?

Benoît:

Je ne dirai pas d’anecdotes supplémentaire, car il y aurait tant à dire, et je ne veux agacer le lecteur…non, je dirai seulement ceci : j’écris actuellement un livre sur ce que j’ai vécu en Allemagne, grâce à YFU, donc, si je dis tout maintenant, il n’y aura plus de surprise, et je n’aurais plus de secrets à garder pour vous.
Une chose est sûre : cette expérience m’a offert des compétences réelles et m’a donné envie de connaitre le monde. En Juillet 2014, je n’ai pas eu peur de partir un mois au Burkina. C’est YFU qui m’a conféré cette force !
Quand on revient, le témoignage devient très important car il est salvateur et aide à analyser l'année traversée. Avec le temps, il s’affûte...L'engagement l'est d'autant plus, car à mes yeux, lorsque tu crois signer pour un an d’immersion, tu signe pour 2 ans, si ce n’est plus en réalité; c'est au moment du « ré-atterrissage » et au moment de l'engagement que la transmission et le "vivre-yfu" prend tout son sens.